Repérage et intervention précoces
Mai. 2011Détection et intervention précoces
Forum Marcelo Aragón. Un regard sur le paysage scolaire du canton de Fribourg suffit à confirmer la nécessité d’un repérage précoce et d’un bon timing pour une intervention adéquate. Lorsqu’il est appliqué, le projet «Repérage et intervention précoces dans les champs de l’école et de la formation» déploie des effets bénéfiques; pourtant, la participation demeure modeste et les écoles ont majoritairement tendance à concocter leurs propres recettes.
Le projet national a été très bien accepté par les gens du terrain dont les attentes étaient élevées. Pourtant, comme c’est souvent le cas lors de l’apparition de nouvelles offres de prévention, elles s’adressent à des convaincus, des écoles et leurs enseignant-e-s déjà sensibilisé-e-s et motivé-e-s par la nécessité de la prévention. Eux y ont trouvé leur compte. La collaboration avec les services spécialisés est exemplaire. Mais qu’en est-il des autres écoles? Elles aussi ont identifié le besoin d’agir. L’idée fait peu à peu son chemin, et l’on voit éclore de partout des projets de prévention intéressants. Soit ils sont de conception maison ou bien ils ont fait recours à des spécialistes externes de programmes de prévention. Suivant les principes du fédéralisme, chaque école «bricole» son propre programme de repérage précoce, si bien que les connaissances existantes et les expériences rassemblées et évaluées pendant des années demeurent largement inexploitées. Il est donc à craindre que le projet n’ait pas atteint ceux qui en auraient justement le besoin le plus urgent.
Les différentes mesures d’économie qui ont touché les cantons ont éclipsé la nécessité de prendre en considération et de consulter des institutions bien ancrées dans le réseau d’aide pour les intégrer dans la nouvelle conception de la prévention. Au contraire, elles ont été évincées, victimes de coupes budgétaires ou, faute de subvention, carrément rayées de la carte de l’offre. Non par mauvaise volonté, mais par manque de vue d’ensemble, par manque de vision durable et de pensée coopérative de la part des décideurs locaux.
Pour couronner le tout, les interventions faites à l’interne par les écoles, dans leurs efforts de garder le contrôle de la situation, ont eu pour conséquence de promener les jeunes de services en services, les privant ainsi de la possibilité d’avoir un référent stable. Lorsqu’ils arrivent enfin aux services spécialisés, il est souvent beaucoup trop tard, car ils sont en pleine crise. Il ne s’agit plus d’intervention précoce. On ne fait que prolonger la souffrance des jeunes et de leurs familles.
Bien entendu, les efforts fournis par les écoles en interne sont souhaitables, et le tableau n’est pas toujours aussi sombre que dépeint précédemment. Mais nous devrions enfin cesser de nous disputer la place pour savoir qui doit offrir les mesures appropriées. Dans le cas contraire, nous risquons de succomber à un activisme à courte vue visant des effets rapides, dans lequel les services spécialisés tombent au rang de magasins self-service de la prévention.
Dans notre système fédéral, faire mieux connaitre un bon concept à quelques uns ne suffit pas. Un projet bâti uniquement sur la clairvoyance et le volontariat est voué à l’échec. Pour que le concept de repérage et d’intervention réussisse partout, il faut avant tout une attitude commune, la disposition à coopérer, une communication qui fonctionne bien et une implémentation largement ancrée dans les écoles. Chaque niveau politique devrait poser des incitations pour le niveau inférieur suivant: la Confédération aux cantons et ces derniers aux communes. À long terme, seule une approche commune et coordonnée portera ses fruits.
Marcelo Aragón, thérapeute familial systémique,responsable Choice, Fribourg